Furtives févettes

Dans le Sud, le printemps, c’est la saison des févettes. Des légumineuses à croquer crues à l’apéro ou à cuisiner (c’est l’un des ingrédients de la salade niçoise) qui ont aussi le bon goût de servir d’engrais naturel.

 La saison des févettes (les petites fèves, pour les novices), c’est maintenant, mais c’est déjà bientôt fini. Super furtives, ces délicieuses légumineuses se mangent fraîches seulement quelques semaines par an, plus ou moins tôt ou tard au printemps selon le micro-climat du jardin où elles poussent et le moment où on a pensé à les planter. Car pour les amateurs parisiens, les févettes se dénichent sur certains marchés, mais pour les campagnards du Midi comme moi, ce sont des plantes incontournables du potager. En fait, c’est la première culture de ma vie, la fève. J’ai commencé à en cultiver avec mon père vers l’âge de 3 ans. J’étais nulle en tout, puisque j’avais 3 ans, mais ça, c’était à ma portée : faire pousser des fèves est d’une facilité déconcertante.

Ça pousse tout seul
Il y a toujours eu un bocal de fèves séchées dans le placard à balai chez mes parents ; on s’en servait pour faire de la soupe (du coup, c’est bizarre de les ranger avec les balais, mais là n’est pas la question) ou pour les planter, généralement en automne ou au mois de février. On peut aller jusqu’en mars, mais pas plus. On les met directement en pleine terre, on ne les arrose pas vraiment, on ne les soigne pas ; on les laisse, on les oublie, et ça marche quand même. Magique.
La plante pousse rapidement ; si on l’a plantée en automne, elle va végéter au début puis se réveiller dès que la température remontera. Si on l’a plantée en hiver, deux mois plus tard environ, quand les beaux jours arrivent, elle a déjà atteint 70 cm à plus d’un mètre de haut et elle fleurit – des jolies fleurs noires, blanches et mauves. Quand les cosses commencent à pousser, tout va très vite, il ne faut surtout pas louper le coche. La févette se mange jeune, petite, bien fraîche, croquante et sucrée. Chacune des petites fèves planquées dans leur douillet nid duveteux ne doit pas dépasser la taille de l’ongle du pouce. Au-delà, c’est pour la soupe, pour d’autres préparations cuites ou pour le placard à balai.

Mangez les cosses aussi, si si
Selon les années, les endroits et l’étourderie du jardinier, la récolte peut se faire dès le mois d’avril, jusqu’au début du mois de juin – mais dans tous les cas elle ne dure pas longtemps. On écosse les fèvettes et on les mange directement dans le jardin, ou bien on les sert à l’apéro ; on peut aussi en faire des salades, d’ailleurs c’est l’un des ingrédients de la salade niçoise. On peut même manger les cosses, en sauce à la tomate, en ragoût…
En plus de nous fournir à manger, la culture des fèves a un atout majeur : elles préparent la terre pour les cultures d’été en fixant dans le sol l’azote atmosphérique. En d’autres termes, elles fournissent un engrais naturel à ce que vous planterez ensuite au même endroit. Cela marche aussi en simultané avec les plantes voisines. C’est le propre de toutes les légumineuses – petits pois, soja, haricots verts -, qu’on utilise en rotation ou en association avec d’autres cultures.

Oubliez l’engrais, plantez des fèves (ou d’autres légumineuses)
Cela n’est pas anecdotique : au niveau mondial, la masse d’azote atmosphérique fixée par les légumineuses est estimée à 100 millions de tonnes, soit l’équivalent de la production d’azote par l’industrie chimique. Et l’azote chimique, c’est mal : ça pourrit les nappes phréatiques et les cours d’eau, ça crée des marées vertes (demandez aux Bretons) et des zones mortes, en plus de favoriser quelques maladies chez les humains. Moralité : pas besoin d’engrais, plantez des fèves. Et mangez-en, c’est le goût du printemps.

 

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