N’en jetez plus, la poubelle est pleine

gaspillage alimentaire
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Les chiffres du gaspillage alimentaire sont édifiants et malgré les années qui passent, aucune campagne ne semble pouvoir enrayer la spirale de ce gâchis. Chaque année en France, en moyenne, ce sont 10 millions de tonnes de nourriture, perdues ou gaspillées aux différents stades de production, de transformation, de distribution et de consommation. Sur ces 10 millions, 5,5 millions de tonnes sont attribuables aux consommateurs. Et si, selon l’étude Opinionway-Smartway dévoilée en mai 2021, 94 % des Français déclarent être attentifs au fait de moins gaspiller, le résultat est là, dans les ordures ménagères et assimilées, ce sont pas moins de 20 kilos, par an et par habitant (hors restauration collective ou commerciale) qui atterrissent dans les poubelles dont 7 kilos de produits encore emballés.

Dans le détail et toujours, selon l’étude Opinionway-Smartway, 49 % des personnes interrogées affirment réaliser au moins 5 actions anti-gaspi comme cuisiner en plus petite quantité ou en congelant les produits frais quand 51 % avouent jeter au moins un type de produit tous les mois. Au palmarès des plus jetés, le pain arrive en tête devant les fruits, les légumes, les restes de plats, les produits laitiers et les produits emballés type pizza, plats traiteur ou charcuterie. En queue de peloton, les boissons alcoolisées, les produits en conserve, les surgelés et les condiments.
Autre enseignement de cette étude, les raisons de ce gaspillage. Tous âges confondus, les raisons qui poussent à jeter sont « le mauvais goût ou la mauvaise odeur » (46 %) « le produit abîmé ou qui n’inspire pas confiance » (35 %) puis « la date de péremption dépassée » (29 %). Et les mauvais élèves de cette étude sont les jeunes. Les 18 – 24 ans jetteraient 2 à 3 fois plus que les 65 ans et plus. Des résultats qui vont dans le sens d’études menées par le passé en Angleterre et aux États-Unis qui avaient conclu que ce gaspillage était le résultat d’un manque d’éducation et de conscience quand d’autres jugeaient que la pratique du foodporn conduisait les jeunes au gaspillage.

Un gaspillage qui a un coût. Déjà en 2016, l’Ademe (agence de la transition écologique) alertait sur les coûts d’un tel gaspillage. Il y a effectivement, les chiffres mais aussi leurs conséquences. Gaspiller de la nourriture, c’est jeter de l’argent par les fenêtres. Il a été estimé que le coût économique était au minimum de 12 milliards par an soit l’équivalent de 159 euros par personne. Mais c’est aussi un coût environnemental car produire des aliments qui ne seront pas consommés, c’est, en amont, puiser dans les ressources naturelles pour produire, transformer, emballer et transporter et en aval, devoir traiter davantage de déchets.

Que dit la loi ? Ou plutôt les lois car elles se succèdent. Depuis le 11 février 2020, l’objectif en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d’ici 2030 de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale. Effectivement, les Français ne sont pas les seuls coupables de gaspillage. Si l’étude Opinionway-Smartway pointe leur comportement, ils ne sont pas seuls responsables de ce gâchis qui se répartit de la façon suivante, 32 % des pertes et gaspillages le sont en phase de production, 21 % en phase de transformation, 14 % en phase de distribution et enfin 33 % en phase de consommation.

Résumons, si le dispositif législatif n’effraie personne et si les différentes campagnes, les livres autour de la cuisine des restes ou de l’anti gaspi, les articles, les applis, les ateliers et la journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture (le 29 septembre) ne portent pas assez leurs fruits, peut-être faut-il penser à inscrire la lutte contre le gaspillage alimentaire Grande Cause Nationale avant 2025.

Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C

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