Veiller au grain :
La faim des Hari&Co

Hari&co
© 180°C. - Photographie Philippe Toinard

Vous connaissez ou avez entendu parler de alcool-info-service.fr ; drogues-info-service.fr ; tabac-info-service.fr et bien d’autres services d’écoute et d’aide à distance. Quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre le lancement, ce jeudi 29 avril 2021, du site Viande Info Service et son numéro vert « pour décrocher de la dépendance de la viande » relayé sur les réseaux sociaux à l’aide de messages bien culpabilisants comme « Accro à la viande ? Faites-vous aider » ; « Non la viande en patch, ça n’existe pas encore. Mais on peut vous aider à décrocher » ou « À tous les accrocs à la viande, pensez-vous que la planète vous remercie ? »

Première surprise en tapant les mots Viande Info Service dans n’importe quel moteur de recherche, le premier lien qui vous est proposé, et sur lequel vous cliquez pensant être sur la bonne page, est celui d’un site appartenant à l’association L214 Éthique & Animaux dont le grand public connaît aujourd’hui les combats.
En réalité, Viande Info Service est propulsé par Hari&Co, une « start-up food 100 % végétale » fondée en 2014 « qui nourrit la mission de mettre les légumineuses au cœur de l’assiette. » Nous ne pouvons que saluer leur existence et leurs produits (galettes de lentilles vertes courgette et menthe, nuggets de pois chiches tomate et herbes de Provence, galettes de haricots rouges, betterave et piment…) labellisés bio, fabriqués en France, sans soja, sans additif et disponibles au rayon frais ou surgelé.

La communication culpabilisante est un levier classique des publicitaires mais encore faut-il être précis ou honnêtes. À la lecture des informations presse envoyées par Viande Info Service, le chiffre avancé de 86 kilos de viande consommée en moyenne par Français et par an est vrai mais totalement imprécis. Nous ne mangeons pas réellement 86 kilos de viande mais 86 Kgec (kilo en équivalent carcasse c’est-à-dire en prenant en compte le poids des os et du gras). Il eut été plus honnête d’indiquer le poids de consommation net.
Autre précision utile, ces 86 Kgec intègrent toutes les formes de consommation à savoir la viande non transformée mais aussi les plats préparés et les préparations charcutières.
Enfin, il eut été plus sage d’indiquer que le chiffre de consommation de viande est en constante diminution comme l’indique Agreste, le service statistique ministériel de l’agriculture. En 1960, nous mangions 78 kgec de viande par an et par habitant. Dans les années 1980, ce chiffre est monté à 104 kgec et s’est stabilisé jusqu’en 1992. Depuis, la consommation diminue avec des disparités selon le type de viande. Ainsi, depuis 30 ans, les viandes bovines, ovines, porcines et chevalines sont en repli quand la consommation de poulet et de canard ne fait qu’augmenter alors que la dinde baisse.

Faire bouger les consciences, tel était l’objectif de Viande Info Service ou plutôt de Hari&Co ! Nous partageons évidemment leur point de vue sur l’importance de réduire notre consommation de viande – notamment industrielle et transformée – pour limiter notre impact sur l’environnement, mais rester sur une vision Hexagonale est étriquée et montrer du doigt les viandards français pour vendre des produits à base de légumineuses, aussi bons et sains soient-ils, semble contreproductif.

Résumons, il eut été plus logique de mettre toute cette énergie, ce temps passé et cet investissement dans une campagne classique en surfant notamment sur la campagne lancée par Santé publique France qui incitait les Français à modifier leurs habitudes alimentaires, en intégrant les légumes secs, mais sans renoncer au plaisir de manger ou l’art et la manière de faire passer un message sans culpabiliser celui qui le reçoit.

Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C

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