Un ciel étoilé

Monsieur Paul… même si là-haut au paradis des grandes toques, les Bernard, Louis, Jean, Paul, Alain, Charles, Fernand, Renée, Eugénie, Raymond et bien d’autres savaient que vous n’étiez pas au mieux, ils ne vous attendaient pas de sitôt. Il ne leur a fallu finalement que quelques minutes pour se retrouver autour des fourneaux pour vous composer un menu de légende.

Là-haut, c’est l’effervescence en cuisine. Tous vos anciens copains, confrères, amis forment la brigade du siècle pour recevoir le cuisinier du siècle, le pape de la gastronomie. Evidemment, pour la préparation de ces agapes, personne n’est nommé chef des cuisines. Malgré leurs palmarès, leurs distinctions, leurs étoiles, aucun d’entre eux ne prend le leadership. Il y avait un patron et c’était vous.

Jean Ducloux avec qui vous partagiez de bons moments à Tournus rallume les fourneaux. Roger Vergé et Gaston Lenôtre qui ont contribué à vos côtés à faire connaître la cuisine française aux Etats-Unis se concertent pour parler des mignardises et du dessert. Charles Barrier et Jean Delaveyne font briller les cuivres, Paul Haeberlin fait un tour dans le garde-manger pour s’assurer qu’il y aura de quoi composer un menu digne de votre immense parcours. Alain Chapel et Bernard Loiseau font le tour de la brigade pour noter les plats que chacun va préparer. Jacques Pic s’inquiète de savoir s’il y aura du caviar d’Aquitaine. Quant à Alain Senderens, le dernier à avoir rejoint cette brigade, il attend l’énoncé des plats pour composer les accords mets et vins.

Sous le regard de Fernand Point et d’Eugénie Brazier qui vous ont connu minot et formé, le menu prend forme : escalope de saumon à l’oseille de Jean Troisgros, bar de ligne au caviar d’Aquitaine de Jacques Pic, mousseline de grenouilles de Paul Haeberlin, gâteau de foies blonds de poularde de Bresse au coulis d’écrevisses d’Alain Chapel, dodine de caneton au Porto de Charles Barrier, homard au gingembre et vin de Sauternes de Louis Outhier, pigeon André Malraux de René Lasserre, calamars à la Biscaïenne de Raymond Oliver et jambonnettes de grenouilles à la purée d’ail et jus de persil de Bernard Loiseau. Renée Richard, la « Mère Richard » comme vous l’aviez surnommée apportera la parenthèse fromagère avec évidemment une série de Saint-Marcellin comme elle seule savait les affiner avant l’arrivée du gâteau Concorde réalisé par Gaston Lenôtre. Et tous en chœur de vous saluer en lançant un vibrant « bon appétit et large soif ».

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