Viande de cheval : clap de fin

viande de cheval
© 180°C - Photographie Éric Fénot

Il aura fallu attendre six ans pour que la justice se prononce dans l’affaire des lasagnes truffées à la viande de cheval. Pas de quoi siffler la fin de la partie des scandales alimentaires à répétition.

Ce n’est pas cher payé. C’est la première pensée qui vient à l’esprit alors que le procès Spanghero se termine.  Souvenez-vous, cette affaire de lasagnes de bœuf  garnies avec de la viande de cheval. L’information était passée en boucle sur toutes les ondes au creux de l’hiver 2013. Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé à l’encontre de Jacques Poujol, l’ancien dirigeant de Spanghero, l’entreprise par où transitait la viande de cheval, une peine de prison de deux ans dont dix-huit mois avec sursis, assortie d’une interdiction d’exercer dans la filière viande pendant deux ans. Johannes Fasen, le trader néerlandais qui lui avait vendu la viande, déjà impliqué dans plusieurs affaires similaires, a écopé de deux ans de prison ferme.

Sans rien retirer à la lourdeur ces peines, on ne peut que s’interroger sur ce qu’a ramassé le consommateur dans cette histoire : 10.000 euros de dommages et intérêt pour les deux associations qui le représentaient au procès (UFC-Que Choisir et la CLCV). Autant dire trois fois rien. C’est pourtant, lui, qui au final a subi le préjudice moral « d’une des plus importantes fraudes alimentaires de ces dernières années », selon les mots du procureur.

Le volet judiciaire de l’affaire avait plutôt bien commencé. La présidente du tribunal a mené pendant trois semaines les débats avec une connaissance aigüe du dossier, ne se laissant à aucun moment divertir par l’ambiance parfois désinvolte qui a régné dans le prétoire.

Tout ça parce qu’ « il n’y a pas eu mort d’homme ».

Non, juste des consommateurs trompés, sinon par une fraude caractérisée, du moins par une succession de négligences coupables.

Comment de la viande de cheval congelée a-t-elle pu pendant des mois être acheminée des Pays-Bas à l’usine Spanghero dans l’Aude, pour être transformée au Luxembourg en plats cuisinés « pur bœuf » et se retrouver dans les plus grandes enseignes de surgelés sans que personne, à aucun moment, ne sonne l’alerte ?  Passons sur l’aberration économique du chemin complexe emprunté par la viande. Le fait est qu’on avait de drôles de pratiques chez Spanghero. On y faisait du négoce de viande d’un simple coup de fil, sans bons de commande ; on bidouillait le système informatique pour faire disparaître certaines informations ; on modifiait les étiquettes des palettes de viande à réception. Bref, une entreprise où la « la traçabilité était méticuleusement torpillée », a déploré le procureur dans son réquisitoire. Aucune chance dans ces conditions de découvrir une fraude à l’espèce.

Mais chez Picard, Findus et leur fournisseur de lasagnes Tavola ? Personne pour déceler une anomalie ?

Décongeler un pain de viande pour en vérifier la composition ? Auditer son fournisseur pour s’assurer que les risques ont bien été identifiés et maîtrisés ? L’enquête a montré que rien de tout cela n’a été fait. Pourtant la réglementation, née du scandale de la vache folle, est claire : avant même de commercialiser la première barquette de viande, le premier litre de lait, les opérateurs doivent s’assurer que les produits sont sûrs et que tout a été mis en œuvre pour garantir le respect de la réglementation.  Et ce à toutes étapes de la chaîne alimentaire.

Et après ça, on continue à nous bassiner avec le fait que la France a l’un des meilleurs systèmes de sécurité sanitaire des aliments. C’est vite dit. Car les scandales alimentaires se suivent et se ressemblent. Sans que rien ne semble devoir arrêter les fraudeurs. Pas même le durcissement des sanctions prévu par la loi Hamon votée en 2014. L’affaire du lait infantile contaminé aux salmonelles chez Lactalis en décembre 2017 est venu le rappeler crûment.

 

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