
Au gré de nos pérégrinations de saison, on vous fait découvrir un produit d’exception, son origine et la manière dont un Chef le valorise.
L’omble chevalier, ce poisson d’eau douce, voisin du saumon, vit dans les profondeurs des lacs froids. C’est un naturaliste suédois, Carl Von Linné qui le décrit pour la première fois en 1758. Frétillant au Canada et en Ecosse, en Irlande et en France – dans les Alpes et les Pyrénées – il fut longtemps boudé. Peu d’arêtes, une chair particulièrement fine : de quoi pousser Olivier Nasti, le chef installé à Kaysersberg, dans son hôtel en Alsace et son restaurant doublement étoilé le Chambard, à lui réserver une place de choix.
L’omble chevalier, un classique du Lac Léman : la raison pour laquelle vous le mettez à votre carte ?
On sait que lorsqu’on reçoit l’omble-chevalier du lac Léman, c’est toujours un produit incroyable. Il faut absolument que le poisson arrive entier chez moi. Il est nappé de cire d’abeille, comme s’il était coulé dans un moule. L’idée était celle d’une cuisson à l’étouffée, comme en cocotte, pour obtenir ce côté moelleux, juteux ; capter la rondeur qu’apporte la cire d’abeille ou le restant de miel dans la cire, au goût si particulier, cette humidité qui imprègne les chairs. C’est une cuisson très technique. La cire d’abeille doit être à 75° et le poisson ne doit pas dépasser 6 minutes et demie -7 minutes de cuisson pour obtenir 48° à 49° à cœur. La cire se fige, et comme l’omble chevalier est un poisson gras, une petite pellicule se forme entre les chairs et la cire. Toute la cuisson s’effectue devant le client, seul le démoulage se fait en cuisine, mais nous présentons l’empreinte, telle un sarcophage, à table. Nous l’agrémentons d’une vinaigrette qui vient twister la cire d’abeille. Elle est composée d’huile de sapin que j’élabore moi-même, détendue par un vinaigre de pomme un peu doux, fruitée, pour compenser l’amertume de l’huile : cela permet un équilibre parfait entre les trois ingrédients. »
À quelle saison proposez-vous ce plat ?
Entre janvier et octobre globalement ; il y a des semaines où l’on n’en a pas, parce qu’il n’y a pas de pêche, que la technique change selon les autorisations…. Il est principalement pêché au filet. C’est du poisson extra-frais. Quant à la cire d’abeille qui provient de nos propres ruches – nous en avons une trentaine – elle diffère selon les saisons. Fin mai, on a commencé à extraire les premiers miels de printemps. Une cire de sapin ou de châtaignier sera un peu plus forte, mais de là à vraiment la différencier sur l’omble… »
Avec quoi l’associez-vous ?
Cela dépend de la saison. En ce moment, on le prépare avec un petit navet long, qui provient de chez Eric Roy. Il est également cuit dans la cire d’abeille. On le conserve ensuite au frais une journée, le temps que la coque de cire se forme. Puis l’on casse cette dernière pour sortir le légume confit. Au moment de servir l’omble, on le réchauffe gentiment en le parsemant de pollen.
Texte de Pascale Missoud
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