Veiller au grain : Foie gras,
la décision qui gave

foie gras
© 180°C - Éric Fénot

Après les mairies de Grenoble en 2014, Strasbourg en juillet 2020 puis Villeurbanne, c’est au tour de la municipalité de Lyon de confirmer le 6 décembre 2021 que le foie gras est banni des événements officiels, buffets et réceptions donnés par la ville et qu’elle n’en commande plus. Le point commun à ces décisions évidemment saluées par PETA (association à but non lucratif dédiée à établir et protéger les droits de tous les animaux) : un élevage allant à l’encontre du bien-être animal.

S’il ne nous appartient pas ici de donner notre point de vue sur le débat du bien-être animal, il nous apparait, en revanche, intéressant de souligner l’impact économique de telles mesures. Pour le moment, il n’est guère quantifiable mais il suscite de l’émotion chez les professionnels de la filière déjà touchés par la grippe aviaire qui, par la voix du CIFOG (Interprofession du Foie Gras) « s’inquiètent d’une dérive limitant la liberté de choix des citoyens ». Que ces quatre municipalités – d’autres réfléchissent à leur emboiter le pas ! – prennent une telle décision accompagnée de propos qui ne les honorent pas, notamment ceux de Sandra Krief, conseillère municipale du Parti Animaliste à la ville de Grenoble : « une tradition cruelle » « le foie gras est l’une des pires pratiques (…) en matière de maltraitance animale », ne va pas faire vaciller la filière foie gras car ces réceptions ne représentent que quelques dizaines de kilos mais sur le plan social, c’est un suicide politique surtout pour des mairies écologistes ou socialistes.

Par le petit bout de la lorgnette. Se féliciter à grands coups de tweets ou s’épancher dans la presse pour saluer « des temps qui changent » sans se préoccuper de celles et ceux qui travaillent en amont et en aval est totalement indécent et d’un égoïsme éhonté. Si ces municipalités se fournissaient auprès de producteurs locaux, ce que l’on ose espérer notamment du côté de Strasbourg où le foie gras alsacien est une tradition ancestrale, l’arrêt brutal met en péril de petites exploitations. Quand vous cessez de vous approvisionner, ce n’est pas seulement le fournisseur qui trinque mais à court-terme, toute une partie de la filière, l’accouveur, l’éleveur, l’abatteur, le conserveur mais aussi le céréalier, le livreur, le transporteur et au bout de la chaîne, pourquoi pas, la mairie qui ne vendra pas son emplacement sur le traditionnel marché de Noël au… producteur de foie gras qui n’aura plus les moyens de le financer. Des conséquences qui ne semblent absolument pas faire sourciller ces élus.
Sans comparaison aucune, c’est un peu comme Carrefour qui se félicite d’arrêter la distribution de prospectus papier à Paris et à Lyon-Villeurbanne en soulignant que cette mesure contre le gaspillage du papier permet d’économiser 1 000 tonnes de papier par an. Certes mais combien d’emplois vont être perdus chez les graphistes, les imprimeurs, les transporteurs et au bout de la chaine, chez les petites mains de la distribution dans nos boîtes aux lettres ?

Anecdotiques, idéologiques, démagogiques. Si ces décisions municipales ont fait la une, c’est parce que nous sommes attachés au foie gras. Selon une enquête CSA réalisée pour le CIFOG en novembre 2021, 75 % des Français ont prévu de consommer du foie gras pour les fêtes de fin d’année et 91 % confirment en consommer chaque année et c’est le cas à Lyon, à Grenoble, à Villeurbanne et à Strasbourg sauf dans les salons dorés.

Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C

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