Veiller au grain :
Roquefort avec un E

Roquefort

Proposé en 2014 et mis en place en France en 2017 sur la base des travaux du Pr Serge Hercberg, le Nutri-Score est régulièrement attaqué par les lobbies de l’agroalimentaire. Récemment, c’est la Confédération Générale des Producteurs de Lait de Brebis et des Industriels du Roquefort qui a élevé la voix et entrainé dans son sillage une ribambelle de producteurs de fromages sous signes officiels de qualité.

Le Nutri-Score, c’est quoi ? Un logo apposé sur la face avant des emballages qui informe les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires, de A en vert à E en orange foncé. Il se base sur la teneur – sur une base de 100 g ou 100 ml – en nutriments à favoriser et en nutriments à éviter (sel, sucres, acides gras saturés). En revanche, il ne prend pas en compte les additifs ou les produits chimiques mais il semblerait qu’une réflexion soit en cours. Mis en place par la France en 2017, le Nutri-Score a depuis été adopté par la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse. Point important, il n’est pas obligatoire – il l’est sur les supports publicitaires – mais pas sur le packaging. Les entreprises (600 à ce jour) qui ont décidé de l’apposer, le font sur la base du volontariat. Et n’en déplaise aux producteurs de roquefort, il existe déjà dans les rayons, des packagings de roquefort avec un Nutri-Score affichant un E. Les ventes ont-elles baissé malgré cette évaluation négative ? Personne ne semble à même de fournir les chiffres. Or c’est ce que nous aimerions avoir !Veiller au grain : <br/>Roquefort avec un E

Pourquoi cette levée de boucliers du Roquefort ? Le 19 octobre 2021, la Commission Européenne devait se pencher sur la question d’adopter éventuellement un logo nutritionnel unique et obligatoire. La Confédération Générale des Producteurs de Lait de Brebis et des Industriels du Roquefort, dont le président est aussi le directeur général de Lactalis AOP & Terroirs (groupe fermement opposé au Nutri-Score depuis son lancement) a immédiatement réagi en demandant l’exemption du Nutri-Score pour le roquefort et les fromages sous signes officiels de qualité (les autre fromages seraient-ils des cul-terreux ?) sauf que la Confédération oublie de préciser que le Nutri-Score ne sera peut-être pas le grand gagnant car il existe en Europe d’autres logos nutritionnels, certes moins visibles ou lisibles mais ils sont aussi sur la ligne de départ.

La Commission Européenne n’a donc jamais indiqué qu’elle souhaitait adopter le Nutri-Score mais un logo unique et obligatoire.

Autre imprécision de la Confédération dans sa communication, elle indique que le Nutri-Score sera rendu obligatoire en 2022. En réalité, la Commission Européenne aimerait (conditionnel) qu’il le soit… fin 2022. Alors effectivement, un fromage sous AOP ne peut pas faire évoluer sa « recette » pour imaginer obtenir une meilleure note d’ici fin 2022 mais est-ce vraiment grave ?

Lapalissade ! Si d’aventure un logo nutritionnel venait à être obligatoire, on se doute que le roquefort – comme d’autres fromages – serait classé en D ou en E ce qui, rappelons-le, est déjà le cas. Le consommateur n’est pas stupide, il sait qu’un fromage ou que certains produits laitiers sont gras et salés. Jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas cessé d’acheter des mottes de beurre parce qu’elles sont classées en E ou de l’Emmental (en D). Pourquoi se détournerait-il du roquefort et des autres AOP alors qu’il achète en priorité une part de plaisir gustatif. Enfin, rappelons que ce combat d’arrière-garde ne concerne que les achats des fromages pré-emballés vendus en grandes surfaces soit seulement 50 % des ventes en ce qui concerne le roquefort. Les fromages (les mêmes) vendus chez les crémiers, sur les marchés ou à la coupe sont exemptés de Nutri-Score. Il semble que ce combat ne va pas dans le sens de ce que le consommateur attend. Ouvrez les yeux, celui qui vous fait vivre, n’achète plus les yeux fermés. Il est suffisamment éduqué pour faire son choix tout seul… au grand dam de vos actionnaires qui poussent des cris d’orfraie avant même que les résultats des futures ventes soient connus.

Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C

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1 Comment

  • « Le consommateur n’est pas stupide, il sait qu’un fromage ou que certains produits laitiers sont gras et salés… Ouvrez les yeux, celui qui vous fait vivre, n’achète plus les yeux fermés. Il est suffisamment éduqué pour faire son choix tout seul »… permettez moi d’en douter… Certains sont éduqués, grâce justement au travail fait sur les appellations controlées et la qualité des produits.
    Mais quand on voit des pâtés ou des vins qui se sentent obligés de préciser « sans gluten », quand on voit la liste des produits chimiques qui composent certains produits phares de la grande distribution, on peut en effet douter de l’éducation du consommateur.
    Et lui donner à croire que le Roquefort, l’huile d’olive extra-vierge, le parmiggiano reggiano, ou le Bellota espagnol, ont une mauvaise note (car c’est cela que signifie un E dans l’esprit du public), plus mauvaise qu’un produit industriel gorgé d’eau et d’additifs, ce n’est pas l’aider à s’écarte de la mal-bouffe. Et c’est cela qui le poussera à acheter des haricots verts parce qu’ils sont bio, même s’ils viennent par avion du Kenya.
    Désolé Philippe, mais le lecteur de 180C est certainement éduqué alimentairement, pas celui qui parcourt les rayons de sa grande surface un samedi après-midi armé du prospectus de promotions reçu dans sa boite à lettres. Votre édito est élitiste. Il oublie la très grande majorité des consommateurs dits « de base ».

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