Les lasagnes sur la sellette

180C_DROIT DE SUITE VIANDE DE CHEVAL - LES LASAGNES SUR LA SELLETTE
Le scandale de la viande de cheval de l’automne 2013 découvert lors d’un contrôle de routine effectué en Irlande quelques mois plus tôt avait laissé le consommateur pantois face aux produits élaborés par l’industrie agro-alimentaire et dans l’incompréhension des raisons aboutissant à un tel épisode. 180°C revient presque deux ans plus tard sur cet épisode déplorable.

Le scandale de la viande de cheval de l’automne 2013 découvert lors d’un contrôle de routine effectué en Irlande quelques mois plus tôt avait laissé le consommateur pantois face aux produits élaborés par l’industrie agro-alimentaire et dans l’incompréhension des raisons d’un tel épisode. 180°C revient presque deux ans plus tard sur les faits.

LE MARCHE DE LA VIANDE DE CHEVAL

Acte 1 Suite à la crise financière européenne de 2008, de nombreux propriétaires de chevaux ont du se dessaisir, faute de moyens, de leurs animaux. Soit en les faisant abattre et incinérer (ce qui coute), soit en les vendant aux abattoirs (ce qui rapporte) Ainsi, un volume inaccoutumé de chevaux, poulains et ânes a donc ainsi été abattu. La viande fraîche ne pouvant être écoulée, elle a donc tout naturellement été congelée, créant ainsi un stock. L’offre dépassant soudainement la demande, les cours ont chuté, rendant ce « minerai » très attractif économiquement, en comparaison du bœuf, par exemple.

LE MODÈLE AGRO-INDUSTRIEL

Acte 2 Le modèle Agro-industriel que nous connaissons est l’héritier de celui dessiné par les ingénieurs agronomes de l’immédiat après-guerre : conçu pour une production massifiée et « optimisée » économiquement. Depuis les années 70, le concept de « qualité» est venu se greffer sur ce modèle qui avait fait ses preuves : de nombreuses normes et procédure sont donc venues garantir un certain niveau de qualité des aliments. Mais ces spécifications ont toujours été conçues comme venant « en plus » et non « en premier » dans le dispositif…

LA SOUS TRAITANCE EN CASCADE

Acte 3 Chaque industriel se spécialise dans ce qui lui rapporte le plus et dans ce qu’il connaît le mieux : son cœur de métier. Louable principe mais qui porte en lui le risque de la délégation d’une partie des tâches échappant ainsi à la maîtrise du commanditaire. La société Comigel, par exemple, était spécialisée dans l’élaboration et la surgélation de plats cuisinés (et pour Findus à l’époque). Pour s’approvisionner, elle achetait des matières première plus ou moins élaborées à d’autres fournisseurs (Spangherro en l’occurrence) réputés experts du domaine ( Ici, la viande) C’est donc le sous-traitant, le fournisseur du fournisseur, qui devient détenteur d’une grande partie de la qualité du produit que distribue in fine le commanditaire (Findus) Cette situation conduit à un brouillage en règle de lecture de la chaîne de fabrication déjà complexe où les intervenants se multiplient, s’empilent et se juxtaposent. Certes, tous formalisent leurs engagement par cahiers des charges mais c’est le contrôle et l’application stricte de ces cahiers des charges qui devient, dans la pratique, plus que difficile à garantir.

LES COUTS

Acte 4 La distribution en répondant aux désirs du consommateur de disposer de produits économiques exerce de très fortes pressions sur l’industriel en lui demandant de produire à bas coût. L’industriel pour survivre doit impérativement limiter ses propres coûts. Cette guerre des prix finit par occulter les autres considérations et tenter des sociétés peu regardantes ou en difficulté à transiger sur la législation.
Ainsi donc, l’addition de plusieurs phénomènes conjecturaux et structuraux a-t-elle conduit à cette situation de fraude, jetant une lumière détestable sur la filière agro-alimentaire et ses pratiques. Viennent ensuite les dénégations ou les arguments défensifs des différents intervenants. Certains font partie de la stratégie de communication et d’autres paraissent sujets à caution.
La société Spangherro soupçonnée de fraude à l’étiquetage et d’adultération se défend en mettant en avant sa bonne foi. Or, il paraît peu probable que cette société ait pu ignorer les nomenclatures douanières apposées sur les factures par le fournisseur/abattoir de Roumanie désignant clairement la viande de cheval surgelée. De plus, le ré étiquetage de produits en situation de transit obéit à des règles strictes : changer ou masquer ces codes n’est pas permis. En outre, les prix auxquels se sont négociées ces viandes supposées « de bœuf » auraient dû susciter les plus grandes interrogations…
La société Comigel argumente en se faisant victime de la fraude. Mais cette position ne paraît pas tenable au regard de faits très simples : comment les opérateurs, les agents de maîtrise, les responsables de production, les ingénieurs qualité, l’encadrement de cette société n’ont-ils pas fait la différence, des semaines durant, entre la viande de bœuf et celle du cheval dont l’aspect, la couleur, le goût et le comportement à la cuisson sont trop différents pour être confondus ? C’est là, que réside, sans doute, la partie la plus ébouriffante de cette affaire.
Enfin, la société Findus, elle aussi se dit victime de la situation. Il semble que la grande marque Européenne avait une grande confiance dans son fournisseur historique en ne lui demandant que tardivement les tests ADN voulus, alertée par les premières rumeurs venues d’Irlande dès septembre/octobre 2012.

ÉPILOGUE

Bis repetita, un nouveau scandale de la viande de cheval a encore été découvert récemment. Selon les estimations des autorités françaises, quelques 4 700 chevaux ne disposant pas des certificats nécessaires auraient été abattus puis commercialisés entre 2010 et 2013. Ils étaient acheminés depuis plusieurs pays européens vers des abattoirs du sud de la France…

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