La poule noire d’Astarac Bigorre, cadette de Gascogne

Le territoire de la Noire d’Astarac Bigorre – nom commercial de la poule gasconne* –, épouse les courbes verdoyantes d’une partie des Hautes-Pyrénées et du Gers. Depuis quelques années, cette petite poule farouche et vigoureuse a rejoint la pléiade des produits identitaires locaux.

Marathon de Bouilh-Devant
Dans la cour de la ferme de Sylvie Adrimant, à Bouilh-Devant (Hautes-Pyrénées), plusieurs races de poules cohabitent paisiblement, dont une Araucana chilienne qui dénote avec ses oreilles touffues et ses œufs bleu turquoise. Mais ici, la poulette qui fait tourner les têtes affiche une beauté plus discrète, dont les deux seules coquetteries sont une crête très rouge et des reflets bleutés miroitant sur une robe noire unie. « C’est une race aux comportements sauvages, qui n’a jamais été élevée en intensif et qui court énormément, explique Sylvie Adrimant, ex-vétérinaire reconvertie dans l’élevage de poules gasconnes. Faite pour le plein air, elle a besoin de grands espaces et de parcours ombragés. » Elle y mange des kilos de verdure, d’insectes et de vers de terre, complétés par du maïs et du triticale produits à la ferme, du soja cultivé et toasté sur place, un peu de féverole et quelques minéraux. Tous les éleveurs de la filière visent à atteindre cette autonomie.

Une race à croissance lente
Autre particularité : la poule gasconne est abattue à au moins 5 mois (contre 35 à 40 jours pour les poulets pudiquement dits « standard » – les plus bas de gamme – et 81 jours pour les poulets élevés en bio ou Label Rouge). Intolérance à la claustration, croissance très lente : ces caractéristiques, qui ne répondent en rien aux critères des élevages intensifs, expliquent pourquoi la poule gasconne a suivi le même itinéraire que de nombreuses races locales anciennes. Presque oubliée à partir des années 1950, relancée dans les années 2000, elle devenait en 2008 une Sentinelle Slow Food et, en 2012, l’association La Poule Gasconne déposait la marque « Noire d’Astarac Bigorre », du nom des deux berceaux de la race. À l’image du porc noir de Bigorre avant elle, la petite poule noire s’impose progressivement dans le paysage culinaire – avec certainement une AOC dans quelques années –, car le résultat de ce mode d’élevage extensif, c’est bien sûr le goût. « La chair, qui a le temps de « se mettre sur les os », est bien infiltrée par les graisses, explique Jean-Paul Serres, président de l’association. Ça donne une viande très goûteuse, qui a des notes de pintade et de gibier. »

Et à cuisson lente, aussi
On confirme : la poule d’Astarac Bigorre est particulièrement savoureuse. Mais attention, elle galope quotidiennement sur les pentes pyrénéennes et, comme toute championne de trail, elle est très musclée : sa viande a beau être persillée, elle est plus ferme que celle des autres volailles et mérite une cuisson longue à feu doux (2 ou 3 heures pour un poulet braisé entier en cocotte, c’est bien). Elle se prête aussi aux mijotages en bouillon, notamment pour préparer la fameuse poule au pot locale, país d’Henri IV oblige : le bouillon est intensément parfumé mais la chair, ferme et dense, ne se délite pas. À ne pas manquer au moment des fêtes de fin d’année : les fabuleux chapons gascons, engraissés au maïs et au lait, abattus à 8 mois, plumés à sec et emmaillotés pour parfaire la maturation qui dure 3 semaines (oui, oui, comme le bœuf, vive le gras !).


Achat 
Les ventes de poules et chapons noirs d’Astarac Bigorre se font en circuit court, chez certains volaillers et boucheries fines. Vous pouvez demander à votre boucher ou volailler de contacter Élodie Menvielle, ingénieur à la Chambre d’agriculture de Tarbes et animatrice de la filière (noiredastaracbigorre@gmail.com, 06 74 77 56 92).

 

* Une race (poule gasconne) ne peut pas être transformée en appellation, ce qui explique également pourquoi le porc gascon (la race) est désormais connu sous le nom de porc noir de Bigorre (l’AOP).

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