La pomme de terre de Pertuis, mais encore ?

Cette pomme de terre que l’on voit fréquemment sur les marchés provençaux n’est ni une variété, ni une appellation, mais elle est bonne et c’est déjà beaucoup. Petite mise au clair et au vert chez le producteur Philippe Robert.

Projection cartographique
Les terres de Philippe Robert chevauchent la frontière qui sépare le Sud du pôle Nord, puisqu’elles sont situées à la fois à Meyrargues (en haut des Bouches-du-Rhône) et Pertuis (en bas du Vaucluse). Pour les Provençaux de la mer et du calcaire, cette paisible étendue découpée en grandes parcelles vertes a quelque chose d’éminemment exotique, même si ce n’est certes pas tout à fait la Beauce. C’est ici, dans la plaine de la Durance, que sont cultivées depuis le XVIIIe siècle des pommes de terre qui jouissaient aux XIXe et XXe siècles d’une excellente réputation. « Les pommes de terre de Pertuis, ça a très bien fonctionné jusqu’à la fin des années 1970, puis ça s’est étiolé dans les années 80 avant de quasiment s’arrêter au cours de la décennie suivante, explique Philippe Robert. Aujourd’hui, nous sommes moins de dix producteurs, mais la notoriété est restée : sur certains marchés, on voit des pommes de terre venues d’ailleurs étiquetées « variété Pertuis ». Or, ça n’a rien d’une variété : ici, on cultive essentiellement de la Monalisa, ainsi que de la Samba et de la Nazca. » Fin du suspense : la pomme de terre de Pertuis est une marque commerciale, déposée par l’association de producteurs du même nom, avec logo et filet de commercialisation ad hoc.

On est toujours le local de quelqu’un
Elle est produite à Pertuis et ses environ , mais il ne s’agit pas non plus d’une appellation d’origine. Autrefois spécialisé dans les céréales et les grandes cultures, Philippe Robert s’est mis à cultiver des pommes de terre à partir de 1995. Seul producteur à ce jour à travailler en bio, très branché agriculture de conservation et qualité des sols, il n’est pas pour autant du genre à sortir les violons pour parler de la terre, encore moins du terroir. « La plaine de Pertuis, qui bénéficie des alluvions de la Durance, a des sols fertiles et chauds, favorables à la culture des pommes de terre. Celles-ci sont effectivement très bonnes, mais je suis pas certain qu’il y ait une différence organoleptique importante avec d’autres pommes de terre de variétés et de qualité comparables. Le terroir vient aussi de la proximité de grandes villes : comme beaucoup d’autres produits, la pomme de terre de Pertuis a existé par son marché . » Bref, inutile de chercher des patates pertuisiennes à l’autre bout de la France : elles se consomment essentiellement sur place, non parce que le name dropping médiatique l’exige, mais par bon sens du local et de la paysannerie de proximité.

Patates de Pertuis en Pratique
Les pommes de terre de Pertuis sont plantées en avril. Récoltées fin août, elles sont conditionnées en filets par les producteurs et commercialisées à partir de septembre, non lavées pour prolonger leur conservation. En bio, on trouve uniquement les Monalisa de Philippe Robert, qui se cuisinent comme toutes les patates de cette variété que le CNIPT (Comité National Interprofessionnel de la Pomme de Terre) classe parmi les pommes de terre à chair fondante. Il la recommande « pour la cuisson au four en robe des champs et les plats mijotés », mais, quand elle est vieille et ridée, la frite lui sied. Philippe Robert ajoute que les petits calibres ont une chair plus ferme qui résiste mieux à la cuisson à l’eau et à la poêle. D’une manière générale, les pommes de terre de Pertuis sont bien sûr parfaites dans les recettes provençales (bouillabaisse, soupe au pistou, gratin sans crème…), voire azuréennes : le CNIPT prend le risque inouï d’évoquer, sur son site, la salade niçoise qui a pourtant fait du cru une Loi . Ses membres sont sous protection policière.

La pomme de terre de Pertuis, mais encore ?

Pour en savoir plus : https://www.pommesdeterredepertuis.fr
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