Veiller au grain :
Les doux dingues de la biodynamie vous saluent bien

Veiller au grain : <br/>Les doux dingues de la biodynamie vous saluent bien
© 180°C - Photographie Éric Fénot

 Peu de temps avant sa mort en 2016, Umberto Eco avait tenu les propos suivants : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, auparavant, ne faisaient que discuter au bar après un verre de vin, sans causer de tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite, alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles. »Évidemment, les insultes tombèrent comme à Gravelotte sur l’auteur de « Le nom de la rose » qui fut qualifié, entre autres, de vieux réac et d’aigri. En 2021, force est de constater que rien n’a changé. En témoignent ces affligeants posts ou commentaires sur la biodynamie qualifiée de dérive sectaire à travers un flot de désinformations et d’inculture où s’amalgament l’anthroposophie, les témoins de Jéhovah, l’occultisme, la politique, les banques et l’industrie agro-alimentaire.

Tout commence par un reportage diffusé en mai 2021 sur la plateforme digitale 100 % vidéo, dénommée neo.tv lancée en début d’année par le journaliste Bernard de La Villardière sur le modèle de Brut ou Konbini. Le thème du reportage, la biodynamie à travers le témoignage du vigneron Nicolas Joly du vignoble de la Coulée de Serrant qui, sans prosélytisme aucun, rappelle les « outils » que les agriculteurs engagés en biodynamie ont à leur disposition pour stimuler les processus de vie dans le sol et les plantes et notamment la bouse de corne appelée aussi la 500 ou la silice de corne, la 501. Ces pratiques, extraites d’un cycle de huit conférences données entre les 7 et 16 juin 1924 par Rudolf Steiner, philosophe et scientifique autrichien, sont d’ailleurs toujours disponibles en librairies dans l’ouvrage « Le cours aux agriculteurs ».

Steiner, le gros mot était lâché et les réseaux sociaux se sont enflammés à l’évocation du fondateur d’un courant spirituel nommé l’anthroposophie (la sagesse humaine en grec ancien) qui « transforme la science en pratique de la vie et la pratique de la vie en culture spirituelle. » Anthroposophie, Steiner, biodynamie… le tiercé gagnant pour une poignée d’opposants qui a tenu à souligner que l’agriculture bio est scientifique alors que la biodynamie ne l’est pas, qu’une partie des bénéfices de la vente des vins en biodynamie part aux témoins de Jéhovah, que la biodynamie c’est de l’occultisme, qu’elle relève de la dérive sectaire, que Rudolf Steiner est un gourou, que la biodynamie est tout juste bonne à plumer des gogos incultes ou encore que les principes de l’anthroposophie sont appliqués pour gérer les écoles, les entreprises, les hôpitaux, les banques ou les instituts de recherche.

L’idée n’est pas ici, ce serait vain, de tenter de trouver des arguments pour convaincre ces opposants qui déversent leur bile sur ces « vignerons charlatans » mais force est de constater que beugler sur les réseaux contre une pratique « plus dangereuse qu’elle n’en a l’air » ne nourrit pas le débat. D’un côté les opposants qui restent entre eux et s’auto-convainquent que leurs propos font foi, de l’autre les atterrés, un verre de vin en biodynamie à portée de lèvres, garanti sans pesticides ni engrais de synthèse, qui préfèrent ne pas répondre en restant dans un courant de pensée rassurant, celui de la bienveillance.

Résumons, si des vignerons conçoivent la ferme comme un organisme agricole, s’ils utilisent des préparations à base de plantes médicinales ou de bouse de vache, s’ils travaillent avec les rythmes cosmiques… sont-ils devenus des anthroposophes endoctrinés sans le savoir et il est urgent et impératif de le dénoncer sur les réseaux ou pratiquent-ils cette agriculture par simple souci écologique ? Vous vous doutez bien que nous adhérons à la seconde partie de la question. Ces hommes et ces femmes sont simplement animés par le désir de pratiquer une viticulture plus saine et plus respectueuse de l’environnement et ne méritent en aucun cas d’être traités de gogos, de charlatans ou de doux dingues sur les réseaux

Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C

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1 Comment

  • On peut adhérer aux propos de Philippe Toinard, tout en restant convaincu que Rudolf Steiner et ses acolytes actuels sont pour le moins de drôles de coco et que la bienveillance n’est pas leur priorité.

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