Restaurant MIEUX : mieux sourcer pour mieux manger !

Ce n’est sûrement pas la prétention de ces 3 compères qui a déterminé le nom du restaurant MIEUX, ce néo-bistro situé au 21 rue saint Lazare dans le 9èmearrondissement de Paris, mais bien leur passion du mieux manger et surtout du mieux sourcer. Thomas Bonnel nous raconte cette aventure, faite de rencontres fortuites, de valeurs partagées et d’idéaux à atteindre avec ses copains d’enfance, Giulian Maiuri le chef, et Jean-Baptiste Bayle, le digger du vin.

«À la base c’était une blague qu’on se faisait, comme les restaurants qui ont commencé avec des noms assez courts genre bon, bio etc…». Ils cherchaient un nom qui reflèterait cette éthique d’approvisionnement qui est la leur : tout simplement, “mieux” s’approvisionner. Tout a commencé par un gros travail de sourcing, aller à la rencontre des producteurs, les mettre en lumière pour les révéler aux consommateurs, leur donner la parole, devenir un intermédiaire entre eux et les clients, et leurs donner la place qu’ils méritent. «Au début on a mis cette idée de côté car on s’est dit que les gens allaient prendre ça comme une arrogance folle, et cela a d’ailleurs été le cas.»

Depuis leurs 15 ans, il y a toujours eu en chacun d’entre eux cette volonté de monter son propre restaurant. Et c’est cette volonté commune de travailler avec ses voisins, vouloir faire la promotion d’une économie citoyenne, durable, stable, la moins polluante possible, et de tourner le dos au modèle agroalimentaire français, qui les a rassemblés. L’idée a pas mal évolué quand  ils ont commencé à réfléchir tous les 3 sur la carte, tournée vers l’amour du produit et la passion inconditionnelle de la cuisine. Le concept de Mieux est alors né de cette synergie.

Restaurant Mieux
Des produits bien sourcés, pour une cuisine inspirée – © Photographie Antidote factory

C’est ce qui est intéressant dans leur trio, le respect des idées et du travail de l’autre. Pour autant, il y a une sorte d’émulation, de challenge quotidien qui anime chacun d’entre eux et alimente une remise en question permanente : « Giulian par exemple, en cuisine, il veut toujours aller plus loin que ce qui a déjà été fait, moi c’est dans l’agencement, et Jean-Baptiste sur le vin», nous expliquent-ils. D’ailleurs Giulian nous rejoint : «Tiens, goûte mois ça ! Du Kari Gosse, un curry breton que l’on utilise beaucoup dans les soupes de poisson en Bretagne. C’est ce type de produits, différents, inédits qui inspirent la carte.

D’ailleurs à la carte, au moment où nous sommes de passage, le restaurant Mieux propose un porc de Gascogne avec une polenta grand-roux. Une variété endémique, qui provient d’un cultivateur qui avait récupéré des graines de son arrière-grand-père abandonnées dans un tiroir…
«Ce que je dis à mes gars, c’est : on peut faire tout ce que vous voulez à partir du moment où vous êtes capables de l’exprimer».

Valoriser sa cuisine c’est pouvoir expliquer ce qu’on fait avec le produit, trouver de quelle manière on raconte son histoire.

Restaurant MIEUX : mieux sourcer pour mieux manger !
À gauche, le chef Giulian Maiuri, à droite, au service mais pas que, Thomas Bonnel, co-fondateur du restaurant Mieux – © Photographie Antidote factory

Ça fait pourtant 30 ans que je vais en Bretagne, et le Kari Gosse je viens de le découvrir, tu te rends comptes ?
La carte est réimprimée quasiment chaque matin, en fonction de l’arrivage. D’ailleurs ce matin, alors que tout le monde se réveille à peine, ils reçoivent du maquereau fraîchement rapporté du port de Croisic. À notre arrivée dans les cuisines du restaurant Mieux, Giulian nous demande d’attendre 5 minutes car il termine la préparation de son arrivage de produits de la mer. Canadien, Italien, Français, Breton… Il est parti, il est revenu. Sorti d’école et première ouverture à 21 ans comme sous-chef d’un 3 étoiles, 2 ans chez Lenôtre, 3 ouvertures de restaurants, instructeur aussi. C’était le moment de faire une introspection sur lui-même et de revenir à ses valeurs desquelles il semblait s’être éloigner petit à petit. Tout ce qu’il a appris, il fallait le partager et à tout prix transmettre sa passion pour la découverte et la curiosité.

Il y n’y a pas une ville où il ne passe sans en chercher la spécialité. C’est en se promenant un peu partout qu’il découvre notamment la culture sauvage, les fleurs comestibles, etc… Et c’est en rencontrant des producteurs plus qu’engagés, à l’occasion du sourcing pour Mieux, qu’il décide de l’intégrer sans sa cuisine. «Je me balade avec des personnes qui mangent tout sur leurs chemins… c’est fou». Une cuisine « sensible au cœur brut» ; comme l’appellent en coulisses les membres de l’équipe du restaurant.

Restaurant Mieux
Des légumes élevés avec bon sens, à l’instar de ces tomates, et ça se voit ! – © Photographie Antidote factory

Ce matin-là, nous faisons avec Thomas un aller-retour dans les champs bio de Valdemar Barreiraqui a repris l’exploitation de celui qui fût son patron et son enseignant 15 ans durant : Joël Thiébault. Reconnu alors comme le roi du légumes parmi les plus grandes tables de Paris, il quitte le maraîchage pour partir en retraite. Les grands noms de la gastronomie française, Pascal Barbot, Piège, Stéphanie Le Quellecsomment Valdemar de reprendre ces terres si riches qu’il connaît sur le bout des doigts et qui le lui rendent si bien. De retour en cuisine, on sent une certaine fierté de ramener ces produits qu’ils ont été cherché eux-mêmes avec le producteur, de le connaitre en personne, d’avoir vu et tester ses process et de les cuisiner ensuite.

D’ailleurs les clients du restaurant Mieux ont pris le goût à cette curiosité. Durant le service, nous ne sommes pas les seuls à  demander ce que c’est, comment c’est cuisinier, parfois même le secret de cette sauce. «C’est à ce moment que c’est intéressant de leur expliquer, et de leur expliquer par exemple que  ce poisson a été péché à 20 milles nautiques  des côtes, que la salicorne pousse à tel endroit… C’est ça que l’on recherche à faire au quotidien dans nos assiettes.» Nous disent-ils, complices.

Le problème dans tout ça, c’est la logistique. Certains producteurs et agriculteurs sont trop éloignés pour faire monter ces merveilles à Paris de façon responsable. Pour pallier à cela, ils se sont regroupés avec d’autres petits restaurateurs pour se faire livrer en commun des produits exceptionnels, afin de limiter les transports et mutualiser les commandes pour que l’agriculteur s’y retrouve, et que chefs et clients  puissent bénéficier de ces pépites.

Restaurant MIEUX : mieux sourcer pour mieux manger !
© Photographie Antidote factory

Remettre sur le devant de la scène des projets qui leur tiennent à cœur, c’est justement à cette partie éthique qu’ils veulent donner une place plus rapidement que prévue. Comme s’octroyer une petite parcelle de terre et s’essayer à la culture de leurs propres légumes. Mais surtout, développer une logique avec des partenaires qui vont amener cet œil technique, les aider à calibrer en fonction des mètres carrés, la rotation, les roulements et savoir ce qu’ils pourront espérer obtenir par saison pour éviter de s’engager auprès des fournisseurs. Tout cela afin d’avoir un réel impact sur leur microéconomie responsable.

Thomas sourit : c’est pas juste un délire de hippie, on aimerait juste avoir une ferme et fonctionner de façon presque autonome, en supprimant des ingrédients de la grande culture pour commencer.

Et ce ne sont pas les seuls à délaisser cette industrialisation, en cherchant à supprimer le blé ou le lin qui demandent des moyens industrialisés importants, ou des viandes à l’élevage intensif et un abatage très règlementé, pour arriver à une échelle maitrisable rapidement.  « À notre taille ce qui est cool c’est que l’on peut travailler avec ces petites structures, qui peuvent nous fournir la veille pour le lendemain, en fonction de l’arrivage ».

Acquérir de l’autonomie sur la production des produits et s’instruire aussi.

Restaurant Mieux
Thomas vient faire les provisions pour le restaurant chez Valdemar Barreira, qui a repris l’exploitation de celui qui fût son patron et son enseignant 15 ans durant : Joël Thiébault, alias le roi du légume – © Photographie Antidote factory

Nous ne sommes qu’aspirants maraichers aujourd’hui, notre envie commune à tous les 3, c’est de pouvoir proposer à nos clients des produits que l’on cultive nous-mêmes.

Leur rêve serait de faire rayonner l’enseigne à Paris et pouvoir par la suite commencer à développer en province, dans des zones où  “il y a moins de passage”. Trouver une sorte d’écho dans ces zones-là, et ne plus avoir à s’inquiéter de l’emplacement qui est une sorte de règle dans la restauration. Commencer comme ils disent «à s’éclater avec ce genre de projet maraicher, de cueillette, d’élevage et de ferme».

Une sorte d’exode urbain, dont beaucoup de chefs français ont déjà pris le chemin, et qui à le mérite de faire rayonner notre terroir sous toutes ses formes.

Texte & Photographies : Aude Bocage & Thomas Texier / Antidote Factory
Instagram : @antidote.factory

M I E U X
21 RUE SAINT LAZARE
75009 Paris
https://www.mieux-restaurant.com/

 

Texte & Photographies : Aude Bocage & Thomas Texier / Antidote Factory

Instagram : @antidote.factory

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